Les Passagers, Julia Brandon lance une saga fantastique dès son premier ouvrage
Avec ce remarquable premier roman instantanément immersif et dont la suite est d’ores et déjà en préparation, Julia Brandon imagine un monde fantastique situé dans une vallée qui a pour spécialité la production de confiseries, magiques pour certaines. À l’occasion de son passage à Paris pour une séance de dédicaces à la librairie Gros Câlin, nous nous sommes entretenus avec l’auteure afin de percer à jour autant son univers que ses ambitions littéraires.
Félix et Caméo Vick sont les enfants de Séraphine et Hostie. Ils vivent dans le village de Pallia, baptisé d’après une bergère à qui la légende prête des dons inouïs. Cependant, Félix et Hostie se révèlent diamétralement opposés malgré leurs liens familiaux. Quelque chose cloche et Félix, qui tente de percer certains mystères, va bientôt découvrir tout un univers d’une étrangeté sans pareil dans lequel il se retrouve être un élément central du déroulement de l’intrigue. Dans cette histoire rocambolesque et pleine de rebondissements inattendus, Julia Brandon remet au goût du jour le fantasme du retour dans le temps, inextricablement lié à toutes sortes de problématiques qui découlent de ce concept indémodable.
Pouvez-vous raconter brièvement votre parcours d’auteure ?
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J’écris depuis que j’ai sept ans. Je pense que cela m’est inhérent, j’ai toujours écrit. J’ai été publiée pour la première fois lorsque j’avais douze ou treize ans. Il s’agissait de nouvelles créées dans le cadre des ateliers du Prix du Jeune Écrivain, auxquels je participais tous les étés. À la fin, une sélection de nouvelles était retenue et j’ai été publiée deux fois à cette occasion. J’ai également suivi un stage quand j’avais quinze ans chez Actes Sud, sous la direction de Jean-Marc Dabadie, directeur de l’Imprimerie nationale. Il avait lu mes nouvelles et me suggéra de continuer dans cette voie. Compte tenu de mon jeune âge, je ne l’ai pas écouté tout de suite.
Mais là, je me suis dit que le moment était venu. J’ai toujours rédigé des textes chez moi, je savais néanmoins que ça n’allait rien donner, c’était pour le plaisir. Par contre cette fois, quand j’ai commencé le bouquin, je savais que je le finirai et que ça donnerait quelque chose. Les conseils de Dabadie me sont restés en tête.
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Comment cette histoire a-t-elle germé dans votre esprit ?
Je ne sais pas. J’ai eu la première phrase et tout le reste en a découlé. Je ne saurais pas vous dire pourquoi.
Que lisez-vous dans votre quotidien ?
Pas ou très peu de fantastique. À l’époque je lisais Musset, Shakespeare, Flaubert, Camus, … Aujourd’hui je m’intéresse plutôt aux polars ou je lis parfois un petit peu de fantastique comme Quand le Café est encore chaud de Toshikazu Kawaguchi ou Je reviendrai avec la pluie de Takuji Ichikawa, mais ça c’est maintenant, à l’époque, quand j’ai écrit Les Passagers, je ne connaissais pas du tout.
Alors d’où vous vient cet attrait pour le fantastique ?
Parce qu’il fallait que j’aie recours au fantastique pour écrire mon histoire, ça ne pouvait être autrement. Cette histoire était irréalisable s’il n’y avait pas d’éléments fantastiques dedans. J’ai décidé de créer un tel univers pour habiller le tout et j’ai pris du plaisir à le concevoir.
Vos personnages ont dans l’ensemble des prénoms originaux, certains encore plus que d’autres, comment les avez-vous choisis ?
Je me suis amusé. Beaucoup de ces personnages ont des noms qui ont un sens étymologique caché tel que Séraphine, Aléthée, Félix et David. Je me suis rendu compte que la valeur numérique de David en hébreux est le quatorze, ceux qui liront le bouquin comprendront. J’ai fait des recherches diverses et variées. J’avais créé des fiches avec les noms de famille de mes personnages et ils ont tous un sens intrinsèque. Je ne voulais pas choisir des prénoms trop communs comme Alice ou Victor, il fallait que ça aille avec l’univers fantastique. Si c’est trop ancré dans le réel cela ne me plait pas, j’avais envie de m’évader.
Votre histoire se déroule en partie dans le futur, en 2029, pourtant la technologie y est très peu présente, au contraire beaucoup d’éléments semblent plutôt rétros. Pourquoi ?
Oui, parce que je n’avais pas envie qu’on l’ancre dans une époque précise. C’était vraiment une volonté de ma part. Il y a même des mots que je n’utilise pas comme « hôpital » ou « policier ». Ce sont des termes que je ne veux pas employer parce que c’est trop dans le présent, je n’aime pas, je voulais qu’on puisse s’évader. Il s’agit vraiment de découvrir un monde imaginaire presque dénué de technologies.
Dans votre ouvrage il est souvent question de rédemption par ceux qui ont fauté. Pour vous, une faute peut-elle être rachetée ou un coupable mérite-t-il d’être mis au ban de la société comme certains personnages de votre roman ?
Il faut savoir pardonner même si je ne suis pas sûre que j’aurais pu pardonner Virgile. Il n’a cependant pas que des mauvais côtés, moi, je l’aime bien. Ça aurait été trop simple de pardonner les fautifs, il faut que ça pousse à réfléchir et que ça remue le lecteur. Personnellement, ça m’a remué quand j’ai écrit ce livre. Je me suis demandé si l’histoire devait bien se finir.
Comment avez-vous choisi et imaginé les pouvoirs disponibles et les vertus des confiseries ?
J’ai fait des recherches, j’ai imaginé des choses. Là, j’ai pris ce qui me servait pour écrire l’histoire, mais dans le tome 2 il y a un personnage qui fera pousser des champignons par exemple. Il fallait des pouvoirs utiles mais j’avais besoin qu’ils servent mon histoire. J’ai réalisé beaucoup de recherches sur internet. J’ai seulement évité d’attribuer les mêmes pouvoirs que dans d’autres œuvres plus ou moins similaires.
Pourquoi et comment avoir lié ces pouvoirs à des couleurs ?
Pour que ce soit très visuel. J’ai souhaité écrire cette histoire comme un film. Je trouvais ça sympa qu’à chaque pouvoir corresponde une couleur. Quand vous imaginez tous les élus, il y en a un qui est bleu, un qui est vert, un qui est orange, un autre rose, il faut qu’il y ait un peu toutes les couleurs, s’ils étaient tous vêtus de nuances de bleu ça aurait été étrange. Ce ne sont pas des Schtroumpfs. J’ai alors tapé nuancier de couleur sur Google, j’ai regardé le nom des tons et lorsque ça sonnait bien je l’ai écrit, si ça ne sonnait pas bien je changeais.
L’adultère revient à plusieurs reprises dans votre roman, pourquoi était-ce important pour vous de créer ces liens extraconjugaux ?
Je n’en sais trop rien, ça s’est présenté comme cela. Je ne me suis pas posé la question de pourquoi je le mettais. J’ai écrit sur l’adultère et je me suis dit que ça allait fonctionner, c’est venu tout seul, je ne me suis pas noté une liste de thèmes que j’allais aborder. J’ai écrit cela de façon intuitive.
Dans votre histoire il est souvent question de sauts dans le passé et de « retours vers le futur ». Avez-vous conçu un schéma afin de ne pas vous emmêler dans la temporalité ?
Oui, des frises chronologiques j’en ai un paquet à la maison bien sûr ! Sinon, vous vous embrouillez avec les dates.
Le voyage dans le temps vous fascine-t-il ?
Non, cela ne me fascine pas mais j’avais besoin que mon personnage voyage dans le temps donc il a voyagé dans le temps. Au départ, je ne connaissais pas du tout cet univers-là alors je me suis mis à visionner plein de films sur ce thème donc évidemment ça m’a aiguillé, ça m’a donné des idées.
Quels films vous ont inspiré alors ?
Il y a L’effet Papillon, qui est incroyable, vous en sortez traumatisés. On peut également citer Age of Tomorrow avec Tom Cruise ou Timecrimes qui est un film espagnol remarquable. J’ai vu mon livre comme un film donc je l’ai écrit comme tel. Nous sommes d’ailleurs en écriture d’un scénario pour l’adapter à l’écran.
Si vous pouviez revenir à une époque, laquelle choisiriez-vous ?
L’antiquité, j’adore cette période-là. Rome ou Grèce, je ne sais pas, mais l’antiquité.
L’écoulement du temps vous obsède-t-il ?
Non, ça me fera peut-être peur un jour ou l’autre mais pour le moment je n’y pense pas. Je veux vivre, si on commence à être obsédés par des questions existentielles on ne vit plus. Je suis particulièrement angoissée au quotidien donc j’évite d’y penser.
Pourquoi avoir choisi une telle fin ?
Pour remuer le lecteur, qu’il soit dépressif lorsqu’il referme le livre. Je déteste les bouquins dans lesquels il ne se passe rien lorsque vous les refermez, vous ne vivez rien, vous ne ressentez rien, c’est horrible. Je voulais que le lecteur ressente quelque chose et je trouve qu’avec cette fin vous n’êtes pas bien après l’avoir lue. Quand je l’ai écrite je n’étais pas bien moi-même.
Quand est-ce que les prochains tomes sortiront ?
Le tome 2 vers septembre ou octobre 2023. Pour le tome 3 il faudra patienter jusqu’à l’année prochaine.
Avez-vous d’autres projets d’ouvrages ?
Entre le tome 1 et le 2 j’avais également écrit un bouquin que je n’ai pas fini et que je reprendrai peut-être mais pour l’instant je suis bien avec les personnages de l’histoire des Passagers.
FEDIDA Michel-Angelo